Madame Le Ministre,
Vous êtes en charge de la plus importante réforme intégrée au quinquennat du Président Hollande : la réforme du code du travail.
La semaine dernière, Jean-Jacques Bourdin, sur BFM vous a posé quelques questions portant sur cette réforme et en particulier sur les contrats de travail. Votre incapacité à répondre précisément sur les modalités de renouvellement du CDD a provoqué une vive polémique. Aujourd’hui, de nombreuses personnes réclament votre départ. Elles s’appuient sur le fait que les plus hautes instances du pays doivent nommer des personnes aux compétences élargies, sur les sujets pour lesquels on les investit.
En première réaction, on peut sans doute penser que vos détracteurs ont raison sur cette question de l’expertise. Toutefois, je m’interroge : n’y a-t-il pas, au travers de cet épisode malheureux, un autre regard plus positif à porter ?
A la question : « combien de fois le Contrat à durée déterminée (CDD) est-il renouvelable ? » Vous avez répondu : « Plusieurs fois ». En effet, depuis cet été, le CDD est passé d’un à deux renouvellements possibles. Vous avez donc raison !
A la question portant sur l’interdiction des renouvellements successifs, vous sembliez très dubitative : vous avez là aussi raison ! Il n’est effectivement ni logique, ni acceptable d’interdire ces renouvellements au-delà de deux fois.
Dans quel pays sommes-nous pour supprimer l’accès à l’emploi alors même que la courbe du chômage ne cesse de monter ? On laisse ainsi supposer qu’il est préférable d’être privé d’emploi plutôt que de poursuivre une mission. Vous savez pourtant combien la privation d’emploi est facteur d’exclusion dans notre société et engendre de nombreux maux (sociaux, psychologiques, familiaux, etc). Au moment où le président Hollande a fait de la lutte contre le chômage sa priorité, comment se positionner dans un tel paradoxe ?
Chef d’entreprise, fervent défenseur de la valeur Travail et de la liberté des entreprises, président du MEDEF de la Mayenne, j’ai envie de parier sur vous, jeune femme ministre de 37 ans, sur vous qui semblez sans à priori sur les questions. J’ai envie de miser sur votre capacité à écouter, votre soif d’apprendre, de comprendre le monde du travail et d’être force de propositions. J’ai envie de croire en votre bon sens, non pas « face à », mais « aux côtés » des chefs d’entreprises qui valorisent les talents dans notre pays, qui contribuent à faire de nos territoires des espaces où il fait bon vivre.
Je suis convaincu que, au travers de cette approche pragmatique et terrain, vous pourriez avoir les bonnes clés pour bien aborder le travail et sa réglementation. Ces clés sont aussi celles qui aideront à sortir du discours technocratique si éloigné de la réalité d’aujourd’hui et des enjeux de demain.
Dans le monde de l’entreprise, la première qualité d’un dirigeant est sans doute son courage managérial. Je me prends à rêver de ministres qui, eux aussi, aurait ce courage : le courage de regarder la situation en face, de transformer les pressions et les menaces en opportunités, de faire des faiblesses françaises des forces à la française, d’imaginer des pistes de réformes différentes et constructives, d’expérimenter de façon collaborative, et surtout, surtout, de ne pas entrer dans le débat technocratique qui nous sclérose tant.
Vous devez libérer le travail, en faisant confiance aux chefs d’entreprises et à tous ceux qui ont la soif d’entreprendre et de faire grandir leurs équipes en effectifs et en compétences. Il est temps de renverser la tendance et de passer outre les clivages rétrogrades : Entreprendre en France pourrait être un si beau projet pour apporter de l’effervescence, de l’espoir, de l’attractivité et de l’emploi sous différentes formes.
J’ai envie de vous faire confiance. J’aspire à une France portée par un élan positif qui redonne une autre place et une belle image au monde du travail. Nos entreprises portent de belles valeurs, révèlent des talents précieux et sont investies chacune dans leur écosystème pour mettre tous les acteurs possibles (salariés, prestataires, étudiants…) en situation de projet.
Les chefs d’entreprise ont besoin de retrouver de la confiance pour pouvoir avancer, investir, embaucher et de se libérer d’une jungle administrative au parfum d’immobilisme.
Alors, au-delà des interviews hasardeuses, les chefs d’entreprises auraient-ils raison de vous faire confiance et de croire en votre vision nouvelle pour réformer le travail ?
Samuel Tual,
Président du groupe Actual
Social Innovation©
Auteur du livre « Le Travail pour tous »,