Le 1er mai est une double fête : celle du muguet et celle du Travail, sans rapport entre elles. Si les origines de la première remontent au XVIe siècle – le 1er mai était alors l’équivalent de la Saint Valentin –, la fête du Travail puise ses racines aux Etats-Unis, en 1886, lorsque les syndicats obtiennent la journée de 8 heures. La date du 1er mai est alors symbolique : c’est le jour qui marque le début de l’année comptable des entreprises. Chez nous, cette date est devenue au fil des années une journée de manifestation ouvrière. Elle est chômée à partir de 1946 et fériée depuis 1948.
Il serait dommage que, dans le contexte actuel, cette fête du Travail devienne une fête contre le travail. Aux côtés des revendications qui s’expriment traditionnellement, le 1er mai doit conserver son esprit de fête et célébrer les travailleurs, dans ce qu’ils sont individuellement et collectivement, ce qu’ils apportent à la société et ce qu’ils réalisent pour la communauté. C’est d’ailleurs l’occasion de rendre hommage à tous ceux qui travaillent ce jour férié et chômé, comme les forces de l’ordre, les services de secours, les commerçants… l’ensemble des professions dont la collectivité ne peut pas se passer ne serait-ce qu’une journée.
La fête du Travail doit également nous amener à penser à ceux qui en sont privés. Malgré les bons chiffres du chômage, il y a encore plus de 3 millions de Français qui sont à la recherche d’un emploi. Sans oublier, non plus, ceux qui n’ont pas la chance d’avoir un travail choisi. Cette notion du « travail choisi » prend ainsi toute sa dimension dans l’actualité récente. La question du « travailler plus » – prônée par le gouvernement – ou du « travailler moins » – défendue par les syndicats – se poserait de manière moins cruciale si on avait résolu celle du « travailler mieux ». L’augmentation de la durée de travail ne serait alors plus considérée comme une injustice.
Malgré les acquis, les progrès sociaux et l’innovation technologique, il reste encore une marge d’amélioration dans la façon de travailler. Cela ne peut passer que par une plus grande fluidité du marché du travail, afin que chacun puisse trouver la place qui lui convient. Le travail choisi permet à chaque individu de se réaliser, de s’épanouir, d’acquérir des compétences et des connaissances, de tisser des relations interprofessionnelles et d’assurer une sécurité financière. Lorsqu’on aime son métier, la question d’allonger la durée de travail de 3 mois par génération – ce qu’entraîne la réforme des retraites – n’est plus bloquante.
Le débat sur la réforme des retraites, qui a eu un effet mobilisateur sur toutes les classes d’âge, met également en lumière l’enjeu de société qu’est l’entraide intergénérationnelle. L’allongement de la durée du travail pose en effet des défis d’aménagement des fins de carrière, qui s’expriment en termes de temps et de modalités de travail. Or une grande partie des solutions peut être trouvée dans la transmission intergénérationnelle. A travers le mentorat ou le tutorat, les plus âgés peuvent aider les jeunes à s’intégrer dans le monde du travail, à acquérir plus rapidement des compétences ou à éviter les erreurs. L’inverse est également vrai, les jeunes générations pouvant suppléer leurs aînés dans les métiers physiques ou les accompagner dans la digitalisation.
Tout en commémorant l’ensemble des actions qui ont été menées par le passé et qui ont permis à la société d’évoluer, le 1er mai doit célébrer les travailleurs, intégrer ceux qui sont à la recherche d’un emploi et interroger sur les outils à mettre en place pour que le travail soit choisi et non plus subi. Le contexte actuel rend ce dialogue possible : c’est une opportunité de faire avancer cet important débat de société.