La généralisation de cet outil était, de toute façon, source de contraintes supplémentaires pour les entreprises, où les démarches de recrutement sont souvent longues et impactantes pour l’organisation. A partir du moment où l’on rend anonyme une partie des informations sur un CV et une lettre de motivation, on ne permet pas à l’entreprise de décider. Le CV anonyme était donc contre-productif et surtout complètement décalé par rapport à la réalité de la vie professionnelle : alors que la forte utilisation des réseaux sociaux a largement fait évoluer la relation recruteur-recruté, comment miser, en 2015, sur un tel mode de recrutement pour atteindre cet objectif d’égalité des chances ?
Arrêtons de penser que toutes les entreprises françaises pratiquent systématiquement la discrimination à l’embauche sur l’origine, sur le handicap, sur le genre… Bien sûr, il existe des pratiques très regrettables, qui font souvent l’objet d’une forte communication et ont tendance à généraliser des situations, mais ces focus ne correspondent pas à la majorité des pratiques en entreprise, où les recruteurs mettent avant tout l’accent sur les compétences.
Recruter est un acte engageant, qui demande de l’investissement en temps et en argent et qui, par nature, implique une sélection. Et cette sélection reste principalement motivée par des impératifs liés aux compétences recherchées, aux capacités d’évolution, au savoir-être des candidats et à ses aptitudes pressenties à s’intégrer dans la culture de l’entreprise.
Les différences sont des atouts à valoriser, tout comme les actions positives
Cacher une différence sur un CV anonyme ne sert donc ni le candidat, ni l’entreprise. Depuis la loi de 2006, c’est-à-dire depuis plus 9 ans déjà, les sociétés françaises se sont fortement impliquées dans les démarches RSE : ainsi, 53% des entreprises de plus de 50 salariés ont mis en place des actions pour favoriser l’égalité des chances. Par ailleurs, 36% des entreprises sur ce segment, non investies dans une démarche RSE, ont également mis en œuvre des actions pour lutter contre les discriminations*.
Les mentalités ont changé : je suis convaincu que la tentation naturelle est de recruter dans la diversité car cela apporte une richesse exceptionnelle aux équipes. La mondialisation accrue des échanges, l’internationalisation des entreprises, l’open innovation, le développement des start-ups, la multiplication des espaces de co-working, les échanges de jeunes étudiants entre écoles et pays ont aussi fait évoluer la façon d’aborder ce sujet, au moins sur l’angle de l’origine. Il reste encore du chemin à parcourir sur d’autres points de discrimination comme le handicap en entreprise, certes, mais l’entreprise est un lieu de vie où les nouvelles générations accueillent autrement et plus généreusement l’ouverture au monde et aux différences.
Formons, encourageons !
« Dans une société démocratique, la place de chacun doit dépendre de son talent et de son mérite personnel, et non de son appartenance à un groupe social défini par sa richesse économique ou culturelle. L’égalité des chances prend d’abord la forme d’une égalité de traitement »**.
Des actions simples peuvent favoriser la diversité comme l’accompagnement des candidats pour la formalisation de leur projet, pour les problématiques de mobilité professionnelle. Cela commence dès l’école et doit se poursuivre avec une meilleure approche de la part des structures d’aide à la recherche d’emploi, comme Pôle Emploi ou d’autres structures spécialisées.
Par ailleurs, la formation professionnelle des recruteurs sur la diversité et l’égalité des chances est tout aussi importante à déployer.
En France, nous avons tendance à pénaliser l’ensemble des entreprises plutôt qu’à valoriser les expériences positives. Si nous changions l’approche en mettant en lumière les actions réussies dans le domaine de l’intégration, cela favoriserait l’esprit d’entreprise, créerait plus de confiance dans la relation employeur-employé, donnerait une autre image du travail et de l’entreprise. Ce nouveau regard inviterait aussi à développer plus d’actions préventives, notamment dans les ETI, les PME-PMI, qui subissent parfois la mauvaise image de certains grands groupes internationaux peu scrupuleux. Le tissu économique français est d’une autre nature. Il mérite d’être encouragé, au lieu d’être mis sur le banc des accusés, de façon récurrente. La valeur de l’exemple reste donc pour moi la meilleure des lois ! L’encouragement des démarches remarquables mises en place dans les entreprises constitue le media le plus efficace pour continuer à promouvoir la diversité, non par obligation, mais par l’intense impératif d’écrire de belles aventures humaines :chaque entrepreneur responsable aspire à faire évoluer les salariés de son entreprise, à faire progresser une équipe diversifiée, riche de personnalités et de compétences, qui s’inscrit dans un projet collectif où chacun peut trouver sa place, répondre à une agilité et à une ouverture fortes, comme atouts de différenciation sur le marché.
* Sources : INSEE, Etude sur la Responsabilité Sociétale des Entreprises, Emilie Ernst, novembre 2012.
** Extrait « Le travail pour tous », Samuel Tual / Leduc.s Éditions, sortie librairie en mars 2015 www.samuel-tual.fr